Un soir de neige, Cantate profane de Francis Poulenc (1899–1963)

Textes : Paul Éluard (1895–1952) Longue déploration sur la rigueur de l'hiver en parallèle avec la 2ème Guerre Mondiale.

De grandes cuillers de neige

De grandes cuillers de neige
Ramassent nos pieds glacés
Et d'une dure parole
Nous heurtons l'hiver têtu
Chaque arbre a sa place en l'air
Chaque roc son poids sur terre
Chaque ruisseau son eau vive
Nous nous n'avons pas de feu

La bonne neige

La bonne neige le ciel noir
Les branches mortes la détresse
De la forêt pleine de pièges
Honte à la bête pourchassée
La fuite en flèche dans le cœur

Les traces d'une proie atroce
Hardi au loup et c'est toujours
Le plus beau loup et c'est toujours
Le dernier vivant que menace
La masse absolue de la mort

Bois meurtri

Bois meurtri bois perdu d'un voyage en hiver
Navire où la neige prend pied
Bois d'asile bois mort où sans espoir je rêve
De la mer aux miroirs crevés

Un grand moment d'eau froide a saisi les noyés
La foule de mon corps en souffre je m'affaiblis je me disperse
J'avoue ma vie j'avoue ma mort j'avoue autrui

Bois meurtri bois perdu
Bois d'asile bois mort

La nuit le froid la solitude

La nuit le froid la solitude
On m'enferma soigneusement
Mais les branches cherchaient leur voie dans la prison
Autour de moi l'herbe trouva le ciel
On verrouilla le ciel ma prison s'écroula
Le froid vivant le froid brûlant m'eut bien en main.

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